POUR UN RETOUR DURABLE DE LA PAIX EN UKRAINE par Anaïs Timofte


POUR UN RETOUR DURABLE DE LA PAIX EN UKRAINE
 
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 Anaïs Timofte
(NdR: est la présidente du POP Vaud, Suisse)

Plusieurs centaines de milliers de réfugiés ukrainiens s’amassent aux frontières de la Pologne, de la Hongrie et de la Roumanie, et de trop nombreuses victimes civiles sont déjà à déplorer : c’est avant tout un drame humain qui se joue à travers l’embrasement du conflit en Ukraine et la violation du droit international par la Russie. L’émotion a emparé un éclair tout un continent dès le choc de l’annonce de l’opération militaire russe, puis les jours qui ont suivi, avec un avancement rapide des forces militaires russes.
 
L’émotion, plus que légitime, ne doit toutefois pas conduire à l’adoption d’une vision binaire et réductrice des événements – la « Russie guerrière » versus un « Occident pacifiste » –, risquant ainsi de fausser les décisions politiques pourtant cruciales qui devraient être prises afin de pouvoir espérer ramener la paix en Ukraine le plus rapidement possible. 
 
Le conflit en Ukraine n’est pas un conflit de minorités ethnico-linguistiques séparatistes. Il ne s’agit pas d’une lubie d’un Vladimir Poutine atteint par la folie. Il ne s’agit pas d’une ambition poutiniste de créer une Grande Russie ou de recréer l’URSS. Il ne s’agit pas non plus d’une opération de dénazification de l’Ukraine. Il s’agit essentiellement d’un enjeu *sécuritaire*. 
 
La doctrine dite du « réalisme », qui montre que les États doivent continuer à recourir à la force militaire pour assurer leurs intérêts et leur sécurité en l’absence d’une autorité internationale commune, reste à ce jour la théorie dominante des relations internationales, et donc dominante au sein de la doctrine militaire des grandes puissances. 
 
Comme l’expliquait déjà en 2015 le politologue réaliste Mearsheimer, la genèse du conflit en Ukraine ne se situe pas le 21 février 2022 dernier, mais le 3 avril 2008, lors du sommet de l’OTAN à Bucarest, où la déclaration suivante est tenue à l’issue du sommet : « Au sommet de Bucarest, les Alliés se sont félicités des aspirations euro-atlantiques de l'Ukraine et de la Géorgie à l'adhésion et *ont décidé que ces pays deviendraient membres de l'OTAN.* (...). Les Alliés ont également déclaré que l'OTAN allait maintenant entamer une période d'engagement intensif avec les deux pays à un niveau politique élevé afin de traiter les questions encore en suspens concernant leurs demandes d'adhésion au Plan d'Action pour l'Adhésion. »
 
Cette charmante invitation à intégrer cette organisation militaire dirigée par les USA est loin d’être anodine : après que l’OTAN ait amorcé son expansion d’abord en 1999 (Pologne, Rép. Tchèque, Hongrie) puis en 2004 (Roumanie, Bulgarie, pays Baltes), il s’agit en 2008 encore une fois d’une politique affirmée d’expansion de l’OTAN, mais désormais à deux points hautement stratégiques : deux pays bordant par leurs frontières la Russie. Avec une lecture « réaliste », comment la Russie, l’une des grandes puissances mondiales, pourrait-elle comprendre cela comme autrement qu’une attaque frontale, alors que cette organisation hostile à son égard avance ses pions à ses frontières ? En effet, de la même manière, les USA ont considéré lors de la crise des missiles de Cuba comme parfaitement *intolérable* le fait qu’un arsenal militaire envoyé par l’URSS puisse se rapprocher de quelle que manière que ce soit de ses frontières – ce qui a débouché sur la menace d’une guerre nucléaire. Conformément à la même logique qui prévaut dans les relations entre les grandes puissances, la réaction russe était donc hautement prévisible, et l’OTAN le savait bien.
 
Avec une certaine candeur, on pourrait se dire que les pays ont cependant bien le droit de prêter allégeance au camp (ou, dans ce cas, à l’organisation militaire) qu’elles « préfèrent ». La réalité est loin d’être candide, et les dirigeants tant de l’OTAN, de l’UE que de la Russie sont parfaitement informés des conséquences dramatiques de telles « invitations » à rejoindre l’OTAN lancée à des pays limitrophes des puissances mondiales - dont les peuples auraient pourtant tout à gagner à conserver un statut neutre. Et c’est donc cette même stratégie consciente et affirmée de l’OTAN (donc des USA) qui est en premier lieu à blâmer. 
 
Sans surprise, la réaction fut en effet immédiate de la part de la Russie à la suite de la déclaration du sommet de l’OTAN : celle-ci déclara que l’adhésion de l’OTAN de l’Ukraine et de la Géorgie est inacceptable et qu’il y aura des conséquences si le processus se poursuit. Bien évidemment, personne ne peut cautionner l’opération militaire russe lancée le 21 février dernier. Mais l’OTAN connaissant parfaitement les conséquences d’une telle avancée de pions, cette responsabilité doit aujourd’hui être assumée. 
 
En effet, la réaction russe s’est ensuite immédiatement matérialisée à travers le conflit armé qui a eu lieu sur cette exacte même base en Géorgie en 2008. Comme pour le cas de l’Ukraine et du Donbass aujourd’hui, mais aussi de la Crimée, la Russie a tiré parti de conflits liés à des provinces séparatistes afin d’amorcer ses opérations militaires, avec comme objectif principal de faire reculer les ambitions expansionnistes de l’OTAN. La Russie a d’ailleurs pu trouver en les Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk une population majoritairement hostile à l’OTAN, majoritairement russophone, et donc utile comme rempart face à l’expansion de l’OTAN et face aux ambitions affichées du reste de l’Ukraine vis-à-vis de l’Union européenne. Le graphique montre la division de l’Ukraine selon les régions dans le cadre d’un sondage mené en 2015 : en haut de la liste les villes situées à l’ouest, en bas, les villes à l’est de l’Ukraine dans la région du Donbass.
 
En 2016, le principal objectif du sommet de l’OTAN tenu à Varsovie était, pour les Américains, d'assurer et de défendre sa sphère d'influence en Europe de l'Est, d'isoler davantage la Russie et, surtout, de pousser l'UE - et en particulier l'Allemagne et la France - à assumer un rôle plus important dans ces mesures. À cette fin, une déclaration UE-OTAN a été signée pour intégrer davantage l'UE dans l'alliance, malgré les réticences de l’UE à s’engager dans de nouvelles guerres coûteuses politiquement et économiquement après l’Irak et l’Afghanistan. 
 
Mais le bloc occidental ne s’est pas contenté de raffermir ses liens sur un plan à la fois militaire et économique, et de faire des déclarations : il a abondamment armé l’Ukraine depuis 2014 après le coup d’Etat – à hauteur de 350 millions rien que pour les USA sous l’administration Trump notamment à travers le « Ukraine Freedom Support Act » - de même que le bataillon Azov ostensiblement néo-nazi intégré à l’armée nationale. La livraison massive d’armes, avions, drones, et véhicules blindés à l’Ukraine sur laquelle s’accorde aujourd’hui bon nombre de pays européen ne date donc pas d’hier : ce sont près de 13’000 morts qui sont ainsi à déplorer dans le Donbass entre 2014 et 2021.
 
Face au drame humain vécu par les civils sur place, dans toutes les régions d’Ukraine, contraints de quitter leur pays dans un contexte où bon nombre d’européens pensaient que les conflits armés appartenaient à un autre siècle, comment réagir ? Les sanctions ne constituent-elles pas la seule solution pour obtenir un cessez-le-feu ? Doit-on envisager l’envoi de troupes armées ?
 
Cela a été dit, ce conflit est de nature strictement sécuritaire. Il s’agit donc d’une opération militaire savamment réfléchie. Ceci implique que :
(1) Les conséquences d’éventuelles sanctions en provenance du bloc occidental ont été largement anticipées :
- la Russie a développé son propre système d’échange d’information bancaire en 2015, et la population russe en est massivement équipée (87%) ;
- la Russie a récemment mis en place des réformes protectionnistes pour son agriculture, atteignant une souveraineté alimentaire jamais atteinte depuis des décennies ;
- la Russie a entrepris un certain nombre d’actions dès 2018 pour réduire sa dépendance au dollar ;
- la Russie a atteint une position quasi hégémonique dans l’approvisionnement en gaz de l’ensemble de l’Europe. 
 
(2) Dans la mesure où il s’agit d’enjeux sécuritaires hautement stratégiques et prioritaires, les sanctions telles que celles entreprises à ce jour par les USA, l’UE et d’autres pays dont la Suisse, ne vont pas arrêter Poutine. Les seuls effets de ces sanctions seront de se répercuter sur un plan économique sur la population concernée par ces mesures, sans que le soutien de la population russe ne faiblisse pour autant étant. (À ce sujet voir article du Monde diplomatique) Au contraire, le sentiment d’appartenance nationale et le renforcement de confiance envers Poutine risque bien d’en être renforcé, deux ans avant les prochaines élections présidentielles, tout comme Bush a pu compter sur un appui massif de l’opinion publique lors de l’invasion de l’Irak en 2003. 
 
L’ambition affichée de Biden, mais aussi de l’UE qui reprend ses termes, est de faire de la Russie un « paria » sur la scène internationale – reprenant d’ailleurs mot pour mot le lexique d’Obama qui l’employait déjà pour qualifier la stratégie adoptée par les USA envers la Russie. Comme si les trains de sanctions constituaient une sorte de substitut à la guerre « classique ». Pourtant les conséquences sont les mêmes : isolement, escalades dans les sanctions plutôt que privilégier la voie diplomatique : autant de choix politiques qui peuvent conduire une puissance mondiale acculée à menacer de faire usage de l’arme nucléaire. 
 
Le Conseil fédéral a décidé lundi de suivre le bloc occidental, rompant avec la neutralité (de façade) qu’elle défend habituellement, et décidant ainsi de jeter de l’huile sur le feu d’un conflit qui ne pourra être résolu qu’à travers la voie diplomatique et la distanciation stricte de l’Ukraine vis-à-vis de l’OTAN, des USA et des alliés économiques de ceux-ci. Ceci ne sera pas sans conséquences pour l’avenir des relations internationales de la Suisse. 
 
On pourrait penser qu’il n’y a rien de plus normal que d’exiger des sanctions envers un pays qui viole le droit international et la souveraineté d’un pays – Ignazio Cassis, par ses propos lundi, a abondamment insisté sur ce point. Force est de constater que cette règle ne semble pas s’appliquer aux Etats-Unis: pour citer un cas européen présentant de nombreuses similitudes avec celui qui nous occupe aujourd’hui et sans même avoir à mentionner les cas du Proche-Orient : en 1999 l’OTAN (donc les USA) lançait une guerre de 78 jours au-dessus de la Serbie, sans autorisation des Nations Unies, violant allégrement le droit international, sans que le bloc occidental ne s’émeuve ou sanctionne la violation de ce droit international. Deux poids, deux mesures, donc. Outre la garantie de la fin de la Yougoslavie, ce fut l’occasion rêvée pour les l’OTAN d’établir au Kosovo dans un lieu hautement stratégique l’une de leurs plus grandes bases militaires au monde, le camp Bondsteel. Cet exemple peut sembler bien éloigné du conflit qui a actuellement lieu en Ukraine. Pourtant, il s’inscrit justement dans la droite lignée de la stratégie expansionniste de l’OTAN depuis 1999. Et ce cas pourrait bien revenir dans l’actualité dans les prochains jours suite à la demande pressante du Kosovo il y a 3 jours de rejoindre au plus vite l’OTAN.
 
Entre le bloc occidental d’une part, ostensiblement belliqueux depuis 2008 et en particulier depuis 2014, et la Russie, d’autre part, qui n’entend plus faire de concessions aux ambitions expansionnistes de l’OTAN et se moque du droit international, entre ces deux blocs, il y a une population ; cette population civile souffre, est contrainte à l’exil, et subit de plein fouet toutes les conséquences du drame humanitaire qu’est la guerre. Tout doit être mis en œuvre afin de garantir un accès aux soins médicaux, médicaments, nourriture et asile pour la population concernée. Afin de protéger au mieux cette population et espérer un retour de la paix au plus vite, les décisions politiques de l’administration Biden, de l’UE, et plus largement des pays européens dans les prochains jours sont absolument décisives. En aucun cas une escalade des sanctions et surtout la livraison d’armes à l’Ukraine ne permettront un retour de la paix. En aucun cas. Bien au contraire. Les responsabilités de chacun dans l’escalade du conflit doivent être assumées. Et seules les solutions pragmatiques doivent être sérieusement envisagées pour une paix durable : tout mettre en œuvre par la voie diplomatique pour que l’Ukraine maintienne un statut véritablement *neutre*.
 
Publié en facebook le 3.3.22

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